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Le Château de Turquestein (des origines au XVIIe siècle)

C’est selon toute vraisemblance au Xe siècle que les puissants comtes de Metz édifièrent le château pour contrôler une voie de passage importante entre l’Alsace et la Lorraine. Mais ce n’est qu’à l’aube de notre millénaire qu’il est fait expressément mention de Turquestein dans un texte.

La forteresse était bâtie sur une masse rocheuse, au milieu de vastes forêts, presque vides d’hommes. Les seigneurs qu’elle abritait s’enrichirent au service du comte de Metz et de Dabo. Dom Calmet nous apprend qu’en 1012 Ulrich de Turquestein, sire de Blâmont, se vit confier l’avouerie de Saint-Sauveur par l’évêque de Toul, Berthold. Les sires de Blâmont semblent donc constituer la souche de la famille de Turquestein. Les historiens ne sont, toutefois pas tous d’accord sur ce point. Il est donc préférable de s’en tenir aux actes qui ponctuent l’histoire de la famille.

On trouve, par exemple, mention d’une querelle qui opposa en 1122 Reinhardt, abbé de Marmoutier, à Bencelin, seigneur de Turquestein. Les parties en présence n’acceptant aucun compromis, l’évêque de Metz, Etienne, soumit les adversaires au jugement de Dieu.

Bencelin, seigneur de Turquestein, est cité comme témoin dans plusieurs actes qui concernent notamment des donations à l’Eglise. Sa fille, Hawidis, apparaît également dans un acte de donation.

En 1227, Waltguinus, chevalier de Turquestein, soucieux du repos de son âme, accorde à l’abbaye de Haute-Seille une remise de dette et y ajoute quelques dons. Avec sa mort disparaît la première lignée des seigneurs de Turquestein. Le décès de Gertrude de Dabo le 30 mars 1225 met fin, faute d’héritiers directs, à la lignée des comtes de Metz. Le château traverse alors une longue période de troubles et subit de graves dégradations puisqu’en 1252 Jacques de Lorraine, évêque de Metz, est contraint de rétablir les fortifications. A l’occasion des travaux qu’il entreprend il fait creuser de nouvelles citernes. Ce n’est qu’à la fin du XIIIe siècle que le évêques restituent la gestion directe de Turquestein à leur vassal.

Il se produit apparemment à ce moment-là à Turquestein le même phénomène qu’au château de Lutzelbourg, l’émergence d’une nouvelle lignée de seigneurs issue du corps des officiers au service de l’évêque.

Entre la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle, on voit apparaître, en même temps que cette lignée une entité territoriale aux contours encore fluctuants désignée sous le terme de « châtellenie » de Turquestein. On trouve en effet mention dans les chroniques de plusieurs traités entre les seigneurs de Turquestein et leurs voisins. Ces traités viennent préciser les limites des seigneuries et fixent également des règles de bon voisinage. Ils sont fréquemment remis en cause – à l’occasion des héritages notamment – et donne lieu à des négociations longues et difficiles.

Il est cependant possible de situer dans la mouvance de la châtellenie de Turquestein une vingtaine de localités – dont quelques-unes assez éloignées – ce qui permet de dire que le château contrôlait un territoire relativement vaste (l’équivalent de deux ou trois cantons actuels).

La population qui y vivait devait assez largement fluctuer en fonction des conflits, des disettes et des épidémies. On peut noter, par exemple, que la châtellenie sort ruinée et amoindrie du XIVe siècle. La plupart des villages qui en dépendent sont détruits et la population décimée. Le château lui-même est menacé de ruine faute d’entretien.

C’est à ce moment que Jean d’Haussonville, seigneur de Châtillon choisit avec l’accord de l’évêque, de racheter des mains de Ferry de Blâmont et de ses frères, le château et la châtellenie pour six mille deux cents vieux florins du Rhin. Jean d’Haussonville promit de se conduire en fidèle vassal de l’évêque. La promesse allait être tenue et elle sera renouvelée par ses successeurs pendant près de deux siècles. On trouve par exemple mention d’un acte de 1 460 par lequel Balthazar d’Haussonville se reconnaît vassal de l’évêque de Metz « à cause de la forteresse de Turquestein ». Un autre acte, daté de 1464, fait état d’une promesse de son bailli, Cugnien Boutefeu, de sortir de cette forteresse à la première réquisition de l’évêque.

Si l’on peut suivre le lignage des d’Haussonville à travers le XVe et le XVIe siècles, il est difficile de trouver trace de descriptions de la châtellenie et du château. On apprend seulement qu’en 1535 Jean d’Haussonville, fonda dans le château une chapelle qui devait être desservie par les religieux cisterciens de Haute-Seille.

En 1541 les domaines de Turquestein et de Châtillon appartiennent en indivis à plusieurs chevaliers, tous seigneurs de Turquestein et Châtillon. La duchesse régente de Lorraine, à qui le comté de Blâmont avait été donné pour douaire lors de son mariage eut l’idée, en 1549, de soulever des prétentions sur la châtellenie de Turquestein. Ces prétentions furent rejetées, puisque, en 1561 et 1565, Balthazar d’Haussonville (conseiller et grand maître de l’hôtel du duc Charles III) et Africain d’Haussonville continuent de porter le titre de seigneurs de Turquestein.

En 1569, le duc Charles IlI se sentant menacé par le passage de troupes enrôlées pour le compte de la France et de lansquenets au service de princes protestants s’empara des châteaux de Turquestein et de Châtillon pour conforter ses positions.

Il en fut délogé en 1574 par un corps de tireurs gascons qui remit la forteresse au comte palatin Georges Jean de Veldenz. On ne sait pas ce qu’il advint du château pendant cette période ni comment les d’Haussonville, toujours dans l’indivis, réussirent à le récupérer à la fin du XVIe siècle.

Au début du XVIIe siècle, cette indivision cessa. La seigneurie fut acquise par François de Lorraine, comte de Vaudémont, qui obtint d’en payer le prix sur trois ans, de 1600 à 1602. Le nouvel acquéreur demanda, ne 1613, l’empereur Mathias d’accorder aux baronnies de Saint-Georges, et de Turquestein le droit d’y frapper monnaies d’or et d’argent à l’instar des ducs de Lorraine et des Evêques de Metz dans leurs propres états. Bien que sa requête en fût pas acceptée, on peut en déduire que la châtellenie de Turquestein connaissait grâce notamment à l’exploitation des forêts, des scieries et des étangs une certaine prospérité.

Devenu duc de Lorraine pour quelques jours, en 1624, François de Vaudémont abdiqua en faveur de son fils Charles IV qui, après le décès de son père survenu en 1632, lui succéda à la tête des baronnies. L’année suivante, le domaine fut envahi par des bandes armées qui le dévastèrent. Les châteaux ne furent pas plus épargnés que les villages ou les habitants.

En 1634, sur ordre du roi, ou plutôt de Richelieu, on détruisit celui de Turquestein comme quinze autres forteresses de la contrée. Les travaux de démantèlement furent effectués en quelques semaines sous la surveillance des troupes royales.


Jean SCHNOERING
Diplômé d’Etudes Supérieures