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Navigation rapide : Le Château de Turquestein | Notre Dame de Délivrance



Notre-Dame de Délivrance un des sept sanctuaires de la « Grande Paroisse »

Site et environnement

Commune de Turquestein
Paroisse de Saint-Quirin
Lieudit « la Cense du Petit Blancrupt » ou « la Chaude Poêle »
Route D993 Blâmont-Schirmeck
A 13 km 800 de l’église mère
A 10 km 500 de l’Alsace
A 3 km du Donon

Altitudes le Donon : 1008 m
             la Malcôte : 873 m
             la Délivrance : 539 m

Chapelle élevée vers 1758, restaurée en 1895. Elle serait l’héritière d’un sanctuaire celte christianisé vers le VIe siècle.

Turquestein. Son nom primitif pourrait avoir été Durisvodola. Dès le IXe siècle, le village, l’église et le château existent. Le château perd son rôle de forteresse militaire au début du XVe siècle.

Au XIXe siècle, la merveilleuse vallée de la Sarre Blanche ou Blancrupt était parsemée de huit maisons forestières, quinze scieries et dix-huit fermes. Bourdonnante ruche de bûcherons, ségards, flotteurs, éleveurs et laboureurs, gardes et voituriers. A l’époque, ni route, ni prés. Simplement la petite Sarre, un chemin carrossable et la forêt. Maisons dans les clairières et les basses, moulin de Ricarville et scieries sur l’eau.

A l’entrée de la vallée, le château des évêques de Metz. Du IXe siècle sans doute et, avec le Dagsbourg de Walscheid, un des plus anciens de Lorraine ; et de tous les châteaux-forts, certainement le plus fort, une forteresse inaccessible dominant de cent trente-quatre mètres la Sarre : un point stratégique déjà occupé par les Romains. Démantelé en 1634, Turquestein, seigneurie puis baronnie constituait la vouerie du prieuré de Saint-Quirin.

Notre Dame de Délivrance

L’étranger qui descend la vallée tombe tout à coup en arrêt. Après des kilomètres de solitude, à l’ombre du Donon, à quelques pas de la route et d’un ruisseau, à l’entrée d’une clairière : une petite chapelle. Sans clocher ni cloche, une simple croix de pignon, une niche de façade, une porte et deux fenêtres. Surface utile : quatre mètres sur trois.

Souvent l’étranger pousse la porte : un invraisemblable bric-à-brac ! En 1984, deux cent vingt-deux ex-voto, cadres, images, statuettes, crucifix, chapelets, bénitiers, bougeoirs, vases, livres de prières et de cantiques, catéchismes, bouquets, rubans de mariées et brassards de communiants. Plâtre et plastique, kitsch et pacotille. Un sacré capharnaüm !

Pèlerins toujours, pèlerinage jamais. Du moins, rien d’organisé. Ni date, ni fête, ni coutume, ni reliques, ni procession, ni chant, ni prière, ni litanies, ni bénédiction, ni prêche, ni quête. Encore plus insolite, aucune mention nulle part. Ni dans les « Anciens Pouillés du Diocèse de Metz », Ni dans le livre de Sigrist sur le prieuré, Ni dans les livrets de pèlerinage, Ni dans les archives paroissiales ou communales, Ni même sur l’ancien plan cadastral.

Et pourtant, de temps immémorial, des pèlerins et donc un pèlerinage. Et pourtant, un haut-lieu ! Ce petit ruisseau qui coule à quelques pas de la chapelle, un filet d’eau, tour à tour paresseux et violent, qu’une centenaire sauterait à pieds joints, c’est lui le tout petit qui marquait la limite de deux côtes gauloises. Médiomatriques de Metz et Leuques de Toul auxquelles s’ajoutera celle des Triboques de la région de Brumath, ces curieux Germains celtisés. C’est de lui, le petit Blancrupt que tout est parti.

On pense qu’il s’appelait « Icoranda » le radical Ico signifiant en ligure ou ne préceltique eau, source ou ruisseau et le suffixe Randa en celtique Limite. Icoranda est donc le ruisseau-frontière.

Un ruisseau de haute lignée. Par sa mère, la Malcôte, le Teufelsloch des Triboques, Icoranda est un petit-fils du Donon, la sainte montagne. Né d’une double source voisin de lit de la « Route des Processions » des Celtes – la « Via sacra » des Romains – réunissant deux, puis trois peuples, traversant une route, pour terminer sa vie en confluent : six titres de noblesse, six raisons majeures pour diviniser les lieux, les confiant à une déesse – mère – Matrona ou Matra – trônant, entourée de nymphes, dans un petit temple rural.

Et dans la foulée, sur l’herbe tendre d’une clairière d’un ovale parfait, unique dans le massif Vosgien, à l’ombre de hêtres et de tourbes : l’inévitable marché-frontière. D’abord, intertribal, puis plaine/montange, enfin Lorraine/Alsace/Comté de Salm et Baronnies de Turquestein-Châtillon. Marché interrompu au haut moyen-âge pendant l’installation des Francs, pour reprendre et s’arrêter aux guerres du XVIIe s. au XVIIIe s., le marché est descendu sur Lorquin et fin du XIXe s. sur Sarrebourg pour disparaître au XXe s., laissant la gloire au seul Saint-Quirin avec l’indéracinable foire de l’Ascension !

Icoranda ! – Au fil des siècles, à mesure que le celto-ligure disparaissant, le nom d’Icoranda disparut avec elle. Incompris, écorché, par un phénomène de phonétisme bien connu, il se transforma : Icoranda, Ewirand, Ivrande, Delle-Ivrande, Délivrande pour s’arrêter à Délivrance. La piété populaire fit le reste, donnant la fonction à la chose. Dès 1930, on a pu recenser en France vingt-quatre noms de localités issus de la même racine Icoranda, dont cinq en Lorraine, toutes situées sur des ruisseaux-frontières.

C’est ainsi que Linckenheld, notre archéologue de génie, se basant sur de sérieuses données philologiques et topographiques, archéologiques et historiques et servant de la méthode comparative portant sur l’ensemble du monde celtique, a trouvé la clef de l’énigme.

Notre « Délivrance », de haute tradition, la délivrance des mères, avant et après la naissance. Par la suite, toutes les délivrances : mourants ne finissant pas de mourir, âmes du purgatoire, pêcheurs enfermés dans leur péché, marins en péril, prisonniers de guerre et de droit commun…

Enfin toute libération et même toute liberté.

Ruisseau extraordinaire, clairière extraordinaire, pèlerinage extraordinaire ! Informel et insolite, plongeant ses racines dans la nuit des temps, attirant dévôts et curieux des quatre départements : On y vient depuis deux mille ans, jadis déesse – mère, aujourd’hui Vierge-mère. Seul, en famille ou en groupe. Les ex-voto, un « perpetuum-mobile ». Faites le ménage, dans un peu de temps vous recommencerez. Notre-Dame de Délivrance est absente : pas d’importance, sa Maison est là et on y vient. Religion populaire, sainte religion!

Notre-Dame de Délivrance : Vierge Classée

Une Vierge enceinte et couronnée, en bois polychrome

- 1m35, debout, tête penchée et corps déhanché. Sur un robe blanche à plis, ceinturée haut avec liséré d’encolure et décor de poitrine en pointe, une cape bleue enveloppant jusqu’à terre et d’un riche drapé, le capuchon enserrant les cheveux séparés et laissant s’échapper par deux ailerons une opulente chevelure longue de soixante-quinze centimètres et large de quarante, retombant sur les reins en une cascade de vagues ondulées et torsadées.

La main droite tient à travers les plis du manteau un cœur flambant, la gauche ayant perdu son attribut. Dans les pieds, corps invisible sous les plis, une tête d’enfant encapuchonnée à la mode gauloise et couchée dans un berceau en forme de croissant.

La cape entrouverte, un pan a glissé sur l’avant-bras gauche, découvrant avec une saine audace, encore accentuée par le déhanchement, l’heureux état de la Vierge.

Un visage d’une douceur infinie, le regard implorant, des traits tout en rondeurs rappelant certaines Noires. Une Vierge juvénile, à peine nubile.

De l’art populaire, mais du grand art. Et une œuvre très ancienne puisqu’on a pu la comparer, pour le drapé du manteau, à une Vierge du XIVe siècle, N.D. d’Arlange, près de Wuisse.

Fondation : de la Congrégation de Notre-Dame de Sion dans les ruines du Château de Turquestein.

1797 – « En l’an de grâce, 1797, l’abbé Colmar, futur évêque de Mayence de 1800 à 1818, Mademoiselle Louise Humann et Madame Breck ont scellé en ce lieu un pacte de prières. De ce pacte est issu, cinquante ans plus tard, la Congrégation de Notre-Dame de Sion vouée à la sanctification d’Israël ».

1954 – Un autel-mémento, construit par l’architecte Nonn de Sarrebourg avec cette inscription : « 13 juin 1954, Année Mariale – Jésus, Bon Pasteur envoyé aux brebis perdues d’Israël, ayez pitié de nous – Notre-Dame de Sion ».

Fixée à l’autel, une croix trouvée en 1791 dans les ruines.

C’est Mlle Humann, sœur de Mgr Humann, Evêque de Mayence en 1830 qui convertit le juif Théodore Raturbonne futur fondateur de la Congrégation de N.D de Sion, établie à Strasbourg, 8, Boulevard de la Dordogne. La congrégation fait célébrer une messe de souvenir dans les ruines tous les deux ou quatre ans.


St-Quirin, le 30 mai 1992
Valère SCHIESER
Curé